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قديم 02-05-10, 03:25 PM   #6

sanaafatine

نجم روايتي

 
الصورة الرمزية sanaafatine

? العضوٌ??? » 106902
?  التسِجيلٌ » Jan 2010
? مشَارَ?اتْي » 5,219
?  نُقآطِيْ » sanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond reputesanaafatine has a reputation beyond repute
افتراضي

12.


Elena fit lentement tournoyer sa robe devant le grand miroir de sa tante. Margaret, assise par terre contre le grand lit, regardait sa sœur, les yeux écarquillés d'admiration.
- Moi aussi je veux une robe comme toi quand je dirai « La bourse ou la vie ».
- Tu es bien plus mignonne avec ton costume de petit chat blanc..., affirma Elena en l'embrassant entre ses deux oreilles de velours.
Elle se tourna vers tante Judith, qui tenait une aiguille et un fil.
- Elle est parfaite, dit celle-ci. Il n'y a rien à retoucher.
Sa robe était une réplique exacte de celle trouvée dans son livre. Elena avait les épaules dénudées et la taille enserrée dans un corset qui en soulignait la finesse ; ses manches de sa robe étaient fendues de façon à laisser deviner la soie crème de la chemise en dessous, et la longue jupe bouffante balayait le sol dans un bruissement d'étoffe.
La pendule indiquait 18 h 55.
- Stefan ne devrait pas tarder à arriver, dit Elena.
Judith jeta un coup d'œil par la fenêtre.
- D'ailleurs, je crois bien que c'est sa voiture, en bas. Je descends lui ouvrir.
- Non, laisse, j'y vais. Allez, bonne soirée ! Amuse- toi bien, Margaret !
Elle se précipita dans l'escalier dans un grand état de stress. Elle avait l'impression de revivre l'instant où elle avait parlé à Stefan pour la première fois. Elle espérait que ça se passerait mieux, cette fois. Pourtant, un doute faisait faiblir les espoirs qu'elle avait mis dans cette soirée.
Si l'osmose ne revenait pas entre eux ce soir-là, tout serait fini...
Elle lui ouvrit la porte sans oser le regarder tout de suite. Mais, comme il ne disait rien, elle finit par lever les yeux, et sentit son cœur défaillir. H était stupéfait, certes, mais ce n'était pas d'émerveillement. Il était sous le choc.
- Tu n'aimes pas ma robe..., murmura-t-elle.
Elle avait les larmes aux yeux.
Il se reprit aussitôt, comme toujours, en secouant la tête.
- Non, elle te va très bien... pourtant, il restait planté là comme s'il venait de voir un fantôme,
Elena espérait qu'il allait enfin la prendre dans ses bras et l'embrasser. En vain.
- Toi, tu es très beau, chuchota-t-elle. En effet, son costume et sa cape, qu'il portait avec aisance, étaient très élégants. À la surprise d'Elena, il avait accepté de se déguiser ; l'idée avait même semblé l'amuser.
- On y va ? demanda-t-il?
Elena le suivit jusqu'à sa voiture, complètement refroidie : elle avait abandonné l'idée de le reconquérir un jour, lundis qu'ils roulaient vers le lycée, le tonnerre se mit à fonder, accompagné d'éclairs zébrant le ciel. L'air était surchargé d'électricité, et les nuages noirs et bas prêts à éclater. Ce temps sinistre, un peu surnaturel, était idéal pour la soirée d'Halloween, mais il ne faisait qu'accentuer le pressentiment désagréable d'Elena. Le dîner muet chez Bonnie lui avait fait perdre toute envie d'être de nouveau confrontée à une situation anormale.
Cela lui fit songer qu'elle n'avait toujours pas retrouvé son journal intime, malgré les recherches entreprises avec Bonnie et Meredith. L'idée qu'un inconnu lise ses pensées les plus intimes la révulsait. Car il était bien évident que son journal avait été volé, ce qui n'était pas étonnant étant donné les nombreuses allées et venues ce soir-là. N'importe qui avait pu s'introduire dans la maison. .. Elena avait des idées de meurtre à rencontre du voleur. D'ailleurs, elle ne pouvait s'empêcher de penser à cet inconnu à qui elle avait failli céder une nouvelle fois .C'était sûrement lui.
En descendant de la voiture, elle tenta de chasser ses préoccupations. À l'intérieur du gymnase, tous s'affairaient à régler les derniers détails avant l'arrivée des visiteurs. Dès qu'Elena entra, un petit groupe vint à sa rencontre : elle réalisa avec un léger frisson qu'elle ne reconnaissait pas la moitié d'entre eux. Il y avait là plusieurs zombies dont la chair à vif laissait voir les mâchoires grimaçantes ; un bossu horriblement déformé avait rampé dans sa direction, accompagné d'un cadavre ambulant, d'un loup-garou au museau ensanglanté et d'une sorcière à l'allure sinistre. Tous venaient lui rapporter les problèmes qui avaient surgi depuis le début des préparatifs. Elena se tourna d'abord vers la sorcière, dont le dos de la robe moulante disparaissait sous une masse de cheveux noirs.
- Qu'est-ce qu'il y a, Meredith ?
- Lyman est malade : quelqu'un s'est arrangé pour le faire remplacer par Tanner...
- Quoi ? ? s'écria Elena, scandalisée.
- Oui, et il a déjà fait des histoires. Bonnie est en train de péter les plombs... Tu ferais mieux de venir voir.
Elena la suivit dans le dédale des pièces de la Maison Hantée. Elles traversèrent la Salle de Torture, lugubre à souhait, puis la Salle du Tueur Fou, qui, d'après elle, était bien trop réussie : même en pleine lumière, elle lui donnait des sueurs froides. Elles parvinrent enfin à la Salle de la Druidesse, à l'extrémité du gymnase. Les monolithes en carton qui la décoraient étaient d'un bel effet, mais la jolie prêtresse en aube blanche, une couronne de laurier sur la tête, semblait au bord de la crise de nerfs.
- Il n'y a pas à discuter, vous devez avoir du sang partout... Ça fait partie de la scène.
- Je veux bien encore porter cette espèce de chemise de nuit, toute ridicule qu'elle est, mais m'asperger de sauce tomate, ah, ça, non !
- Mais c'est juste sur le vêtement qu'il faut en mettre, pas sur vous ! C'est parce que je vous sacrifie, ajouta- t-elle dans l'espoir de le convaincre.
- De toute façon, j'ai quelques doutes sur la véracité de telles pratiques. Contrairement à ce que tout le monde dit, les druides ne sont pas contemporains des monolithes. Le site de Stonehenge, que vous essayez pitoyablement de recréer ici, remonte aux peuples de l'âge du bronze, qui...
- Monsieur Tanner, interrompit Elena. Ce n'est pas la question.
- Pour vous, non, bien sûr. C'est d'ailleurs pour cette raison que vous et votre camarade névrosée êtes si peu douées pour l'histoire.
- Ce commentaire est totalement déplacé, objecta une voix.
-Monsieur Salvatore, soupira M. Tanner à l'intention de Stefan, apparu derrière Elena. Avez-vous d'autres remarques du même genre ou préférez-vous tout de suite me coller un œil au beurre noir?
Il toisa le jeune homme, calme et immobile dans son beau costume. En les voyant tous les deux face à face Elena réalisa pour la première fois que M. Tanner n'était pas beaucoup plus vieux qu'eux. Il faisait plus âgé, à cause de sa calvitie précoce, mais sans doute n'avait-il que vingt-cinq ou vingt-six ans. Elle se souvint alors du costume mal coupé qu'il portait lors de la soirée de la rentrée : il n'avait peut-être pas eu les moyens, à leur âge, d'aller aux soirées d'Halloween.
Elle éprouva soudain de la sympathie pour lui.
D'ailleurs, Stefan avait peut-être eu la même pensée, car, bien que nez à nez avec le petit homme, il répondit calmement :
- Pas du tout. Je pense juste que cette histoire prend des proportions exagérées... Pourquoi ne pas...
Le reste de ses paroles se perdirent dans un murmure inaudible, mais Stefan semblait s'exprimer posément, et Tanner l'écoutait attentivement. Elena s'adressa aux fantômes, au loup-garou, au gorille et au bossu regroupés autour d'eux.
- C'est bon, tout va bien ! Il n'y a plus rien à voir !
Ils se dispersèrent, et Elena tourna de nouveau les yeux vers la nuque de Stefan. Il semblait maîtriser la situation.
Ce spectacle lui rappela la scène où, le jour de la rentrée, elle avait vu le jeune homme s'expliquer avec Mme Clarke. La secrétaire avait eu une étrange expression. Elle constata justement que M. Tanner prenait un air hébété.
- Allez, viens, dit-elle à Bonnie.
Elles passèrent par la Salle des Aliens, puis par celle Morts Vivants en se faufilant entre les cloisons, et arrivèrent dans la première pièce, où les visiteurs avaient être accueillis par un loup-garou. Celui-ci avait sa tête et discutait avec deux momies et une princesse égyptienne.
Elena fut forcée d'admettre que Caroline incarnait parfaitement Cléopâtre dans son fourreau de lin. Matt, le loup-garou, avait d'ailleurs du mal à détacher son regard des courbes de son corps bronzé.
- Alors, tout va bien, ici ? demanda Elena avec un enthousiasme un peu forcé.
Matt sursauta. Elena l'avait à peine revu depuis la fameuse soirée, et elle avait remarqué qu'il ne parlait quasiment plus à Stefan.
- Oui, ça va, répondit-il, mal à l'aise.
Quand Stefan en aura fini avec Tanner, je peux vous l'envoyer ici ? Il vous aidera à faire entrer les gens.
Malgré le haussement d'épaules traduisant son indifférence, Matt ne cacha pas sa surprise :
- Comment ça, quand il en aura fini avec Tanner ?
Elle le regarda, interloquée : elle aurait juré que c'était lui le loup-garou qu'elle avait vu, tout à l'heure, dans la Salle de la Druidesse. Néanmoins, elle lui expliqua ce qui s'était passé.
Dehors, un coup de tonnerre éclata.
- J'espère qu'il ne va pas pleuvoir, dit Bonnie.
- Moi aussi, dit Caroline. Ce serait trooop dommage que personne ne vienne... Vous auriez fait tout ça pour rien...
Elena surprit une lueur de haine dans ses yeux de chat.
- Écoute, Caroline. Tu crois pas qu'on devrait arrêter cette stupide guerre et oublier toute cette histoire ?
Sous le cobra de son diadème, le regard de Caroline lança des éclairs.
- Je n'oublierai jamais, susurra-t-elle avant de tourner les talons.
Le froid qu'elle jeta plongea Bonnie et Matt dans la contemplation du sol. Elena se dirigea vers la porte d'entrée pour respirer un peu d'air frais. Dehors, le grincement sinistre des branches, dans les arbres, raviva son pressentiment. « S'il doit se passer quelque chose, c'est ce soir ou jamais », pensa-t-elle. Pourtant, elle n'avait aucune idée de la tournure que pourraient prendre les événements. Une voix s'éleva dans le gymnase :
- Bon, on va pouvoir y aller, je crois. Éteins la lumière, Ed !
La Maison Hantée fut aussitôt plongée dans la pénombre. Un murmure de grognements et de rires nerveux s'ensuivit, et Elena se résigna à rentrer.
- Il faut rejoindre ton adminhelpe, dit-elle à Bonnie, qui acquiesça en disparaissant dans le noir.
Matt réglait la sono, couvrant le brouhaha d'une musique un peu psychédélique.
Elena eut peine distinguer Stefan devant elle, tant sa tenue sombre se fondait dans l'obscurité.
- Tanner s'est calmé, maintenant. Je peux t'aider- à quelque chose ? Demanda-t-il.
- Ben, tu n'as qu'à rester ici, avec Matt, pour faire entrer les gens...
Elena s'arrêta net devant l'expression glaciale de Stefan, et constata que Matt n'avait même pas levé la tête.
- ... Ou alors, tu peux aller t'occuper de la machine à café, dans les vestiaires...
- D'accord pour les vestiaires.
Comme il faisait demi-tour, elle le vit vaciller légèrement.
- Stefan ? Ça va ?
- Oui, dit-il en retrouvant son équilibre. Je suis juste un peu fatigué.
Elle le regarda partir avec tristesse, puis se tourna vers Matt. À ce moment, les premiers visiteurs apparurent.
- C'est parti ! murmura-t-il en s'accroupissant dans le noir.
Elena passa de salle en salle vérifier le bon déroulement des opérations. Les années précédentes, c'était la partie qu'elle avait préférée : voir les visiteurs pris d'une délicieuse terreur. Ce soir-là, pourtant, une vive appréhension avait pris le dessus sur son enthousiasme habituel.
Une silhouette encapuchonnée de noir, qu'elle prit pour une Faucheuse, la frôla. Elle ne se souvenait pas en avoir vu aux autres fêtes d'Halloween : elle était d'autant plus intriguée que sa démarche lui semblait vaguement familière.
Arrivée dans la Salle de la Druidesse, Bonnie échangea un sourire fatigué avec Meredith, qui accueillait les visiteurs juste à côté, dans la Salle aux Araignées. Cette dernière poussait les gamins du collège vers son amie énervée de les voir essayer, à peine entrés, d'attraper les insectes.
Dans la pièce où se trouvait Bonnie, l'éclairage augmentait l'aspect saisissant du spectacle : la vue de M. Tanner allongé sur l'autel, les bras écartés, les yeux fixant le plafond et baignant dans la sauce tomate, redonna le moral à Bonnie.
- Trop cool ! s'écria un des garçons en courant vers l'autel.
Bonnie resta en retrait, un petit sourire au coin des lèvres à l'idée que le professeur se redresserait bientôt pour lui flanquer la trouille de sa vie.
Mais M. Tanner ne bougeait toujours pas, même lorsqu'un des gamins plongea sa main dans la flaque de sang, près de sa tête. « C'est bizarre », se dit Bonnie tout en s'élançant vers un autre qui s'emparait du couteau du sacrifice.
- Lâche ça ! lança-t-elle d'un air si furieux que le gamin s'exécuta, le bras en l'air.
Quand elle vit sa main sanguinolente, elle fut prise de panique. Elle essayait de se persuader que M. Tanner attendait qu'elle se penche sur lui pour se redresser :et elle sauterait en l'air. Pourtant, il était toujours immobile.
- Monsieur Tanner ? Ça va ? Monsieur Tanner ?
Pas un seul mouvement. Une petite voix lui intimait de ne pas le toucher. Mais ce fut plus fort qu'elle. Elle avança sa main lentement, la posa sur l'épaule et le secoua. La tête du professeur roula sur le côté. Ses yeux étaient grands ouverts, et sa gorge exposée à la lumière. Bonnie se mit à hurler.
Les cris perçants qu'Elena entendit détonnaient parmi ¡es autres. Ceux-ci exprimaient tout sauf une peur feinte, Il n'y avait aucun doute là-dessus. Quand elle se précipita H direction de la Salle de la Druidesse, d'où venaient les hurlements, elle n'imaginait pas qu'elle se retrouverait en plein cauchemar.
Elle trouva Bonnie, hystérique, que Meredith essayait de calmer. Trois garçons tentaient désespérément de sortir, mais le passage était bloqué par deux portiers qui cherchaient à entrer. M. Tanner gisait sur l'autel, les bras en croix. Son visage baignait dans une flaque de sang.
- Il est mort, hoqueta Bonnie. Le... le sang... c'est du vrai... Il est mort. Je l'ai touché, Elena... il est vraiment mort.
Quelqu'un d'autre se mit à crier et, aussitôt, la panique se répandit ; les gens se mirent à courir en tous sens en traversant les cloisons de carton.
- Rallumez la lumière ! hurla Elena. Meredith, vite, il faut appeler une ambulance et la police. La lumière !
Quand enfin on put y voir quelque chose, Elena fut désemparée de l'absence d'un quelconque adulte qui aurait pu prendre les choses en main. Il fallait garder assez de sang-froid pour réfléchir à la situation, et, en même temps, combattre la terreur qui la clouait sur place. La situation était rendue encore plus difficile par le qu'elle n'avait jamais porté Tanner dans son cœur.
- Faites sortir tous les visiteurs ! Seuls les gens de la Maison Hantée doivent rester
- Non ! Fermez les portes . Ne laissez sortir personne avant l'arrivée de la police ! cria un loup-garou à côté d'elle.
Ne reconnaissant pas la voix de Matt, Elena se retourna, perplexe. L'individu ôta la tête de son déguisement, et elle reconnut Tyler Smallwood.
Il avait réintégré le lycée au début de la semaine, le visage encore tuméfié par les coups de Stefan. Le ton employé ne semblait tolérer aucune contestation, si bien que les deux portes du gymnase se refermèrent aussitôt avec un claquement sourd. Une dizaine de personnes se trouvait dans la Salle de la Druidesse. L'une d'entre elles, un garçon déguisé en pirate, s'adressa à Tyler :
- Il veux dire que... celui qui a fait ça est toujours ici?
- Oui, c'est évident, répondit Tyler. Au ton enjoué de sa voix, on devinait qu'il tirait plaisir des événements.
- Regardez, le sang n'a pas eu le temps de sécher, ajouta-t-il en désignant la flaque. Ça s'est donc passé. Il n'y a pas longtemps. Et vous voyez comment la gorge tranchée ? Le tueur a dû se servir du couteau.
- Alors, il doit être encore parmi nous,.., chuchota une fille en kimono.
- Oui, et j'ai déjà une petite idée de celui qui a fait le coup. C'est pas difficile : qui se disputait constamment avec Tanner, et pas plus tard que ce soir ?...
« C'était donc lui le loup-garou tout à l'heure », pensa Elena. Mais pourquoi se trouvait-il là ? Il ne fait pas partie de l'organisation de la soirée... » quelqu'un connu pour être violent, continuait Tyler avec un demi-sourire. Tellement violent, en fait, qu'il est sans doute venu à Fell's Church dans le seul but de tuer...
Ce dernier commentaire tira Elena de sa torpeur.
- Tyler, qu'est-ce que tu racontes ? T'es complètement dingue ! s'écria-t-elle, furieuse.
- Voyons ça, sa petite amie essaie de le défendre, répliqua-t-il sans même la regarder. Mais sans doute n'est-elle pas tout à fait objective...
- Parce que toi tu l'es, peut-être? demanda une voix.
Elena vit un second loup-garou s'approcher. C'était Matt.
- Tiens, tiens, et voilà un autre défenseur... Dans ce cas, tu sauras répondre aux questions que tout le monde se pose sur Salvatore. D'où est-ce qu'il vient ? Est-ce qu'il aune famille ? D'où vient tout son fric ? (Tyler se tourna vers le reste du groupe.) Quelqu'un a-t-il seulement une seule info concrète sur ce type ?
Tous répondirent par la négative. En scrutant les visages les uns après les autres, Elena ne vit que de la méfiance. Stefan était différent, en particulier parce qu'il venait d'un autre pays. L'inconnu n'inspire jamais confiance. Ils avaient besoin d'un coupable, et il était tout trouvé.
- J'ai entendu dire..., commença la fille en kimono rouge.
- Exactement ! l'interrompit Tyler. Tu as entendu dire. Des rumeurs, voilà tout ce qu'on a. Personne ne sait rien de lui. Sauf que les agressions de Fell's Church ont commencé la semaine de la rentrée des classes. C'est-à- dire lorsque Stefan Salvatore est arrivé ici !
Un murmure se répandit dans toute l'assemblée. Elena elle-même était sous le choc. Évidemment, c'était ridicule ; une coïncidence, tout au plus. Mais elle était forcée d'admettre l'exactitude de cette remarque: les agressions avaient commencé le jour de la venue de Stefan.
- Et je sais autre chose, cria Tyler en gesticulant pour obtenir le silence. Taisez-vous. J'ai autre chose à vous dire.
Il attendit que tout le monde se soit tu.
- Il était dans le cimetière le soir où Vickie Bennett s'est fait attaquer.
- Bien sûr qu'il y était, intervint Matt, puisqu'il te refaisait le portrait !
Mais le ton employé manquait de conviction. Tyler en profita pour rebondir:
- Oui, et il a failli me tuer. Et ce soir, Tanner a été asassiné. Moi, je suis sûr que c'est Salvatore l'assassin !
- Où est-il ? demanda quelqu'un.
- Il est forcément dans les parages. Trouvons-le ! Répondit le harangueur.
- Stefan n'a rien fait ! s'écria Elena,
Mais le brouhaha avait couvert sa voix, chacun scandant les paroles de Tyler :
- Trouvons-le... Trouvons-le... Trouvons-le...
La colère et la soif de vengeance avaient succédé à la méfiance ; la foule ne tarderait pas à être incontrôlable.
-Elena, dis-nous où il est, ordonna Tyler.
L'étincelle de la victoire luisait dans ses yeux et une joie perçait dans sa voix. Elena aurait voulu le frapper.
- Je n'en sais rien ! répondit-elle sur le ton du défi.
- Il est forcément ici... Il faut le trouver ! hurla quelqu'un.
Le groupe se mit en mouvement dans le désordre le plus complet, et les cloisons achevèrent d'être jetées à terre et piétinées. Elena assistait impuissante à ce déchaînement. La pensée de ce qui pourrait arriver à Stefan assailli par cette horde l'horrifiait. Elle aurait désiré le prévenir, mais Tyler pourrait avoir l'idée de la suivre : elle le mènerait malgré elle jusqu'à lui. Elle jeta un coup d'œil à la ronde, espérant trouver de l'aide. Bonnie fixait toujours, sous le choc, le visage sans vie de M. Tanner. Elle ne lui serait d'aucun secours.
Restait Matt. Il semblait en colère, et un peu décontenancé. Elle le supplia du regard. Elle espérait de tout ce qu'il fût toujours de son côté. Mais il était visiblement indécis. Elle mit toutes ses facultés de persuasion dans ses yeux, en essayant de lui faire comprendre que lui seul pouvait l'aider, et qu'il devait faire confiance à Stefan malgré tout. Il finit par céder, hochant la tête d'un signe affirmatif, avant de disparaître dans la foule.
Matt atteignit l'autre extrémité du gymnase sans trop de difficultés. Des élèves de première se tenaient près de la porte menant aux vestiaires. D'un ton sans appel, il leur ordonna d'aller relever les cloisons tombées à terre, ce qu'ils firent sans protester. Il en profita pour se glisser dans la pièce.
Il scruta les alentours, sans oser appeler Stefan, de peur que sa voix porte de l'autre côté. De toute façon, son camarade avait dû entendre les clameurs qui provenaient du gymnase, et il était probablement déjà parti. Son regard s'arrêta sur une silhouette noire allongée sur le carrelage blanc.
- Stefan ! Qu'est-ce qui t'est arrivé ?
L'espace d'un instant, Matt crut qu'il était mort. Mais, en s'agenouillant près de lui, il le vit remuer faiblement.
- Ça va ? Tiens, appuie-toi sur moi.
- Oui, ça va...
L'affirmation de Stefan était démentie par son teint livide, ses pupilles dilatées à l'extrême, et son air désemparé.
- Merci,Il faut que tu partes d'ici tout de suite. Tu ne les entends pas ? Ils te cherchent !
- Qui ça ? Qui me cherche ?
- Tout le monde... J'ai pas le temps de t'expliquer. Tu dois t'enfuir. Comme Stefan restait sans réaction, il ajouta:
- M. Tanner a été attaqué, et... il est mort. Tout le monde pense que c'est toi qui l'as tué.
Enfin, Stefan parut comprendre. Il eut l'air tout à coup horrifié, mais, curieusement, un peu résigné aussi. Matt le saisit fermement par les épaules.
- Je sais très bien que tu n'as rien fait, Stefan. Et les autres finiront bien par s'en rendre compte aussi. Mais, en attendant, il vaut mieux t'en aller.
- M'en aller... oui, dit Stefan d'un ton de regret. Je vais... y aller.
Stefan fixait Matt d'un regard si brûlant que celui-ci ne parvenait pas à s'en libérer.
- Promets-moi de prendre soin d'Elena...
- Mais, Stefan, qu'est-ce que tu racontes? Tu es innocent, tout va bien se passer.
- Promets-moi, c'est tout...
- Je veillerai sur elle, dit-il doucement. Alors, Stefan quitta la pièce.
13.
Elena attendait de pouvoir s'éclipser du groupe d'adultes qui l'entourait. Elle savait que Matt avait réussi à prévenir Stefan à temps - il lui avait fait comprendre d'un signe discret - mais elle n'avait pas pu encore lui parler.
Lorsque l'attention se porta sur le cadavre, elle put enfin rejoindre son ami.
- Stefan est parti sans problème, dit-il sans quitter l'assemblée des yeux. Mais il m'a demandé de prendre soin de toi, alors je ne te quitte plus, maintenant.
- Comment ? s'étonna Elena, à la fois méfiante et inquiète.
Puis, au bout de quelques secondes de réflexion, elle ajouta dans un murmure :
- Je vois... Écoute, Matt, il faut que j'aille me laver les mains ; Bonnie ma mis du sang partout attend moi ici, je reviens.
Il n'eut même pas le temps de protester. Elle montra mains au professeur qui gardait l'entrée des vestiaires il la laissa passer. Une fois à l'intérieur, elle s'avança sans hésiter vers la porte du fond, qui donnait dans le lycée désert, l'ouvrit, et s'enfonça dans la nuit.
Zuccone ! pensa Stefan en balayant du revers de la main la surface d'une étagère, faisant valser une sériel de livres. Quel idiot ! Comment avait-il pu être aussi stupide, aussi aveugle ? C'était insensé d'avoir espéré une seule seconde se faire accepter !
Il attrapa une malle, et la jeta à travers la pièce, où elle alla se fracasser contre un mur. La vitre qui le surplombait se fendit.
Tout le monde le haïssait ! Matt lui avait bien dit qu'ils le prenaient tous pour l'assassin. Et pour une fois, ces barbares, ces gens qui avaient peur de tout ce qu'ils ne comprenaient pas, avaient raison. Comment, sinon, expliquer ce qui s'était passé ? Il s'était senti faible tout à coup, puis son esprit avait sombré dans un état de grande confusion. Ensuite, c'était le trou noir. Lorsqu'il avait rouvert les yeux, Matt se tenait devant lui et lui disait qu'un autre massacre avait été commis. Lui seul avait pu vider de son sang cette nouvelle victime. C'était tout ce qu'il était, après tout, un assassin. L'incarnation du Mal, une créature destinée à vivre dans les ténèbres, à y chasser, et à s'y tapir pour l'éternité. Alors, pourquoi ne pas suivre sa nature ? Pourquoi réfréner ce besoin de tuer ? Puisqu'il ne pouvait rien y changer, autant s'adonnant pleinement au crime. Il allait lâcher toute sa noirceur sur cette ville qui le détestait...
Mais, auparavant, il devait contenter sa soif, car ses veines presque vides le faisaient souffrir. Il devait se nourrir... et vite.
La pension était plongée dans l'obscurité. Elena frappa, en vain : le silence ne fut rompu que par le grondement du tonnerre, qui persistait sans que la pluie ne se décide à tomber.
Elle tambourina de plus belle puis, n'obtenant pas de réponse, poussa la porte, qui s'ouvrit.
Tout était noir et calme à l'intérieur. Elle se dirigea à tâtons vers l'escalier. Lorsqu'elle parvint au premier étage, elle eut du mal à trouver la pièce d'où partait la seconde volée de marches. Finalement, la faible lueur qui filtrait sous la porte de Stefan, en haut, la guida. Elle entama son ascension avec un sentiment d'oppression tel qu'elle croyait sentir les murs se rapprocher en l'enserrant Elle frappa doucement à la porte.
- Stefan, murmura-t-elle. Stefan, c'est moi.
Aucune réponse. Elle actionna la poignée.
- Stefan...
La chambre était vide, et dans un état qui faisait songer qu'un ouragan s'y était abattu. Le contenu des malles ouvertes gisait sur le sol, et une des fenêtres était brisée ; tous les objets auxquels tenait Stefan étaient éparpillés par terre. Elena ne put s'empêcher de penser, prise de panique, à ce qu'avait dit Tyler sur la violence de Stefan. Mais elle s'efforça de surmonter sa peur, car elle avait avant tout un besoin urgent de lui parler.
Dans le plafond, la trappe ouverte faisait un cou d'air froid. C'était la première fois qu'elle empruntait passage, et sa robe longue ne lui facilitait pas la tâche Elle déboucha à genoux sur le belvédère, se releva aperçut aussitôt une silhouette, à quelques pas de là.
- Stefan, dit-elle en s'approchant, il fallait que je te voie...
Elle s'interrompit net. Un éclair avait illuminé le ciel juste au moment où il avait fait volte-face : ce qu'elle vit surpassait en horreur ses pires cauchemars.
Mon Dieu... non ! Elle refusait de comprendre la situation. Non ! Non ! Elle ne voulait pas regarder, elle ne le croyait pas... Elle ferma les yeux pour échapper à cette scène, en vain : chaque détail était gravé dans son esprit.
Elle avait à peine reconnu Stefan tant son image contrastait avec son élégance et son raffinement habituels : à demi tourné vers elle, et accroupi dans une position animale, il avait le visage tordu par un affreux rictus. Surtout, elle ne pouvait se soustraire à la vision de sa bouche dégoulinante de sang, dont le rouge ressortait horriblement sur son teint pâle et ses dents éclatantes. Le corps d'une colombe aux ailes déployées gisait entre ses mains ; une autre, à ses pieds, semblait avoir fini de servir.
Mon Dieu, non..murmura Elena en reculant.
Elle était incapable de prononcer d'autres mots, tant ce spectacle surpassait tout ce qu'elle pensait être en mesure ¿»affronter. Elle n'arrivait plus à réfléchir, et refusait toujours d'en croire ses yeux.
- Mon Dieu, non...Elena !
Le regard féroce de Stefan était encore plus terrible... Le choc de la scène l'empêchait de percevoir le désespoir dans sa voix.
- Elena, je t'en prie, Elena...
- Nooon ! Nooon !
Les cris avaient enfin déchiré sa gorge. Elle recula de nouveau, car il avait fait un pas vers elle en lui tendant la main cette main aux doigts si délicats qui avait si souvent caressé ses cheveux...
- Elena, je t'en prie, fais attention...
Elle ne pouvait détacher les yeux de ce visage monstrueux, au regard incandescent, qui s'avançait lentement vers elle. Prise de panique, elle fit un nouveau pas en arrière, si précipitamment qu'elle alla heurter le garde- fou rouillé du belvédère, qui céda sous son poids. Les craquements du bois se mêlèrent à son cri lorsqu'elle sentit que plus rien ne la retenait. Elle tomba dans le vide. Sa chute sembla durer une éternité, pendant laquelle elle s'attendait à tout moment à heurter le sol.
Mais le terrible impact ne vint pas. Au lieu de cela, des bras l'enveloppèrent pour ralentir sa chute. Elle entendit un choc sourd. Puis le calme revint.
Immobile, elle tentait de retrouver ses esprits. Comment était-elle tomber de trois étages sans une égratignures ?
Là ou son corps aurait dû se disloquer, sur un tapis de feuilles mortes, derrière la pension, elle se tenait debout saine et sauve.
Levant lentement les yeux, elle reconnut celui qui lui avait évité le pire. Stefan ! L'émotion la rendit muette Elle se contenta de lui lancer un regard plein d'interrogations.
L'expression de son visage la bouleversa. La lueur bestiale qui les avait changés en charbons ardents un instant plus tôt avait totalement disparu, laissant place à un immense désespoir. Mais, Elena y percevait un sentiment plus terrible encore : Stefan avait perdu toute estime de soi ; il se haïssait. Elle ne pouvait supporter ce spectacle. En considérant les traces rouges aux commissures de ses lèvres, elle ressentait surtout de la pitié, même si le frisson d'horreur ne l'avait pas tout à fait quittée. Il était si seul, si désemparé face à sa différence...
- Stefan..murmura-t-elle.
- Viens, dit-il doucement.
Et ils rentrèrent ensemble à la pension.
Stefan ne s'était jamais senti aussi honteux que devant l'étendue du désastre dans sa chambre. Pourtant, après ce qu'Elena avait vu sur le toit, ce sentiment semblait bien dérisoire. En fin de compte, il était soulagé que son secret soit découvert : Elena savait enfin qui il était vraiment, et ce dont il était capable. Elle s'avança vers le lit d'un pas hésitant, s'assit et fixa un regard sur lui.
- Raconte-moi...
Il eut malgré lui un rire sinistre. En la voyant tressaillir, il se détesta davantage.
- Qu'est-ce que tu veux savoir ? demanda-t-il brusquement avec un air de défi. Qui a fait ça ? ajouta-t-il en désignant la pièce. C'est moi, bien sûr !
- Tu dois être très fort... et rapide, aussi, dit-elle en se rappelant la manière dont il l'avait sauvée.
- Effectivement, je suis bien plus fort qu'un être humain.
Il avait prononcé ces deux derniers mots avec insistance.
- Mes réflexes sont plus rapides, aussi, et je suis plus résistant. Ça n'a rien d'étonnant, puisque je suis un prédateur, ajouta-t-il d'une voix dure.
Il se souvint qu'Elena l'avait interrompu au beau milieu de son festin, dont il portait la marque sanglante au coin des lèvres. Il s'empara d'un verre d'eau miraculeusement épargné et en but le contenu pour se nettoyer la gorge, puis s'essuya la bouche. Elena n'avait pas cessé de le fixer. Il avait cru que plus rien ne pourrait le toucher, désormais, et que ce qu'elle penserait n'aurait plus d'importance. Il s'était trompé.
- Tu peux donc manger et boire... autre chose?
- Je n'en ai pas besoin : le sang est ma seule nourriture. En fait, j'ai beau être plus fort et plus rapide que les autres, je n'appartiens plus au monde des vivants depuis longtemps..
Il avait fait cet étrange aveu en la regardant droit dans les yeux ; malgré le calme de sa voix, un spasme le parcourut.
- Explique-moi, insista Elena. J'ai le droit de savoir !
Une fois encore, il admit qu'elle avait raison. Il contempla un instant la fenêtre brisée à la recherche des ses mots, puis se tourna vers elle, et commença d'une voix monocorde :
- Je suis né à la fin du XVe siècle... Est-ce que tu me crois ?
Elle regarda les objets éparpillés dans la chambre, et ses yeux se posèrent sur les florins, la coupe en agate et la dague.
- Oui... je te crois.
- Tu veux vraiment tout savoir, et entendre comment je me suis métamorphosé ?
Elle acquiesça. Il se tourna de nouveau vers la fenêtre, un moment désemparé. Lui qui avait esquivé les questions depuis si longtemps était devenu un champion de la dissimulation... Il ne voyait qu'une seule façon de s'en sortir, c'était de lui dire toute la vérité. Au risque de la faire fuir.
Alors, le regard perdu au loin, il se lança dans son récit. Sans qu'aucune trace d'émotion ne perçut dans sa voix, il lui parla de son père, cet influent notable, de sa vie à Florence et dans leur domaine à la campagne. Il évoqua ses études et ses ambitions, puis il en vint à son monde différent de lui, et à leur mésentente.
- J'ignore à quel moment Damon s'est mis à me détester... Je crois qu'il m'a toujours haï, en fait, sans doute parce que notre mère, qu'il aimait par-dessus tout, ne s'est jamais remise de ma naissance. Elle est morte quelques années plus tard. J'ai toujours eu l'impression que Damon me tenait responsable de sa disparition. Et puis, ensuite, une jeune fille acheva malgré elle d'attiser la haine entre nous.
- Celle à qui je ressemble ? demanda doucement Elena.
Il répondit d'un hochement de tête.
- C'est elle qui t'a donné cette bague ?
Il regarda le bijou en argent à son doigt. Lentement, il tira la chaîne de son cou : un anneau identique y pendait
- Oui, c'était la sienne. Ce talisman protège les gens de notre espèce contre la brûlure mortelle du soleil.
- Alors, elle était... comme toi ?
- C'est elle qui m'a fait devenir ce que je suis.
Il lui expliqua à quel point Katherine était belle et douce, combien il l'avait aimée... et comment Damon était devenu son rival.
- Elle était si délicate, si attentionnée... Elle avait tant d'amour à donner, qu'elle ne parvenait pas à choisir entre mon frère et moi. Jusqu'à cette nuit où elle est venue me rejoindre.
Tout le bonheur qu'il avait ressenti cette nuit-là avait resurgi : il avait duré jusqu'au matin, à tel point qu'y s'était pas inquiété de la disparition de Katherine, à réveil.
Les deux petites entailles à son cou lui prouvaient qu'il n'avait pas rêvé, même s'il n'éprouvait aucune douleur Elles étaient presque cicatrisées, curieusement. De toute façon, elles
disparaîtraient sous le col de sa chemise.
L'idée que le sang de Katherine coulait dans ses veines, désormais, le faisait bondir de joie. Elle lui avait donné sa force. C'était lui qu'elle avait choisi !
Lorsqu'il retrouva Damon ce soir-là, à l'endroit du rendez-vous, son bonheur était si grand qu'il ne put s'empêcher de lui sourire. Son frère était arrivé juste à l'heure, bien que Stefan ne l'ait pas vu à la maison de toute la journée. Il réajustait tranquillement les plis de sa chemise, adossé à un arbre. Katherine était en retard.
- Elle est peut-être fatiguée, suggéra Stefan en contemplant le ciel orangé. Elle a sans doute eu besoin de se reposer plus que d'habitude...
Damon lui lança un regard perçant.
- Sans doute..., dit-il d'un ton énigmatique, comme s'il voulait laisser entendre à son frère qu'il en savait plus que lui.
Un pas léger leur annonça l'arrivée de Katherine. Elle apparut entre les haies taillées, en robe blanche, aussi belle qu'un ange. Elle leur adressa à tous les deux un sourire. Stefan le lui rendit d'un air entendu. Puis, il attendit.
- Vous m'avez demandé de choisir entre vous deux, dit-elle en les regardant l'un après l'autre. Me voici donc au rendez-vous.
Elle leva la main à laquelle elle portait sa bague, dont la couleur bleu nuit avait toujours fasciné Stefan.
- Vous connaissez cet anneau, dit-elle posément. Et vous savez que sans lui, je mourrais. De tels talismans sont très difficiles à fabriquer, mais heureusement Gudren a trouvé un joaillier compétent.
Stefan l'écoutait sans comprendre où elle voulait en venir. Pourtant, il était certain de la tournure que prendraient les événements Et, lorsqu'elle le regarda, il lui renvoya un sourire confiant.
- Donc, continua-t-elle en le fixant, j'ai fait faire quelque chose pour toi.
Elle lui prit la main et glissa un objet au creux de sa paume. C'était une bague identique à la sienne, mais plus grosse et plus lourde, non pas en or mais en argent.
- Il faudra bien que tu t'exposes aux rayons du soleil.
La fierté et le ravissement le laissèrent sans voix. Il aurait voulu baiser la main de Katherine, et la prendre dans ses bras... mais elle se détourna aussitôt.
- Et en voici une pour toi : toi aussi, tu en auras besoin.
Stefan pensa d'abord qu'il avait mal entendu : ces mots ne pouvaient pas être adressés à Damon, c'était impossible. Lorsqu'il vit briller dans la main de son frère un bijou similaire au sien, il crut être victime d'une hallucination.
Le silence qui suivit sembla durer une éternité, Stefan articula péniblement :
- Katherine.., Comment peux-tu lui donner cette bague ? Après ce que nous avons partagé...
La voix de Damon claqua comme un fouet :
- Ce que vous avez partagé ? C'est moi qu'elle est venue voir hier soir ! Son choix est fait !
Et pour appuyer son propos, il défit brusquement son col pour révéler deux petites marques sur sa gorge pareilles à celles que portait Stefan. Celui-ci les fixait sans un mot, luttant contre la nausée. Enfin, il secoua la tête, incrédule.
- Mais Katherine... Je n'ai pourtant pas rêvé... C'est moi que tu es venue rejoindre...
- Je suis venue vous voir tous les deux, dit Katherine d'une voix sereine. Cela m'a beaucoup affaiblie, mais je suis si contente de l'avoir fait.,. Vous ne comprenez donc pas ? continua-t-elle devant leurs regards stupéfaits. Voilà mon choix Je vous aime tous les deux, et je ne peux renoncer ni à l'un ni à l'autre. Désormais, plus rien ne nous séparera, et nous serons heureux ensemble pour l'éternité !
- Heureux ?
Stefan manqua s'étrangler en prononçant ces mots.
- Oui, heureux ! Nous serons trois compagnons qui ne souffriront d'aucun mal, ni de vieillesse, et cela jusqu'à la fin des temps !
Sa voix vibrait d'allégresse.
- Heureux... avec lui ? demanda Damon, que la fureur avait rendu livide. Avec ce crétin entre nous ? Ce ridicule modèle de vertu ? J'ai tout juste la force de supporter sa vue en ce moment. Je ne souhaite qu'une seule chose : le voir disparaître à tout jamais, et ne plus entendre sa maudite voix .
- C'est exactement ce que je veux te concernant ! lança Stefan de toute sa haine.
Il comprenait maintenant d'où venait la décision de Katherine : c'était Damon qui avait distillé son venin dans son esprit pour y semer la confusion.
- Et ce n'est pas l'envie qui me manque de te faire disparaître définitivement.
Damon le prit au mot.
- Dans ce cas, tire ton épée, si tu l'oses !
- Damon, Stefan, je vous en prie ! Non ! s'écria Katherine en retenant le bras de Stefan. Vous ne pouvez pas vous entretuer. Vous êtes frères !
- Hélas, je n'y suis pour rien, cracha Damon.
- Je vous en supplie... Damon... Stefan... Faites la paix... Pour moi...
Devant les larmes de désespoir que laissait couler Katherine, Stefan se sentit flancher, l'espace d'une seconde. Mais la fierté bafouée et la jalousie balayèrent cet instant d'hésitation. Son visage était aussi dur et fermé que celui de Damon.
- Non, déclara-t-il. C'est impossible. C'est lui ou moi, Katherine. Jamais je ne pourrai te partager.
Katherine le lâcha enfin. De nouvelles larmes roulèrent sur ses joues pour aller maculer sa belle robe blanche. Elle étouffa un sanglot, ramassa ses jupons et s'enfuit encourant.
- Damon mit la bague donnée par Katherine, continua Stefan, dont la voix trahissait l'émotion et la fatigue. Il se tourna ensuite vers moi en disant : « Tu verras, c'est moi qui l'aurai ! » Et il disparut.
Elena n'avait pas quitté le lit où elle était assise. Elle le regardait de ces yeux qui ressemblaient tant à ceux de Katherine, surtout à cet instant, noyés par le chagrin et la crainte. Mais Elena ne s'enfuit pas.
- Et... que s'est-il passé ensuite ?
Elle vit les poings de Stefan se serrer convulsivement tandis qu'il s'écartait brusquement de la fenêtre. Il était arrivé au point le plus insupportable de son récit : il se sentait incapable de poursuivre, refusant de plonger Elena dans le cauchemar qui l'attendrait un jour, sans doute.
- Non..., dit-il enfin. Je ne pourrai pas...
- Tu dois tout me dire, insista-t-elle doucement, quelle que soit ta souffrance. Tu entends, tu ne peux pas t'arrêter maintenant !
La scène qui l'avait fait basculer dans l'horreur, il y avait si longtemps, le happa. Le jour où tout avait pris fin... et où tout avait commencé.
Elena referma sa main sur la sienne pour lui donner le courage de continuer.
- Dis-moi.
- Tu veux vraiment savoir ce qui est arrivé à Katherine ? murmura-t-il.
Elle approuva d'un signe de tête : une détermination à toute épreuve brillait dans ses yeux.
- Alors, je vais te le dire. Elle est morte le lendemain. Mon frère Damon et moi, nous l'avons tuée.


14.


Ces mots la saisirent d'épouvante. Se souvenant du sang sur les lèvres de Stefan, elle eut du mal à retenir un mouvement de recul.
- Ce n'est pas possible, Stefan... Je te connais. Tu n'as pas pu faire ça...
Tout entier plongé dans son passé, il ne semblait pas entendre ses protestations. Il fixait un point invisible, à des années-lumière d'elle.
- Ce soir-là, allongé sur mon lit, j'ai espéré si fort qu'elle viendrait... Déjà, des changements s'étaient opérés en moi : je distinguais mieux ce qui se passait dans le noir, et mon ouïe s'était affinée. Je débordais d'énergie. Et j'avais faim. C'était une sensation étrange, que mon diner n'était pas parvenu à rassasier. Je ne comprenais pas d'où elle venait, jusqu'à ce que mon regard se pose sur le cou blanc d'une de nos servantes. Alors, j'ai compris. J'ai résisté de toutes mes forces à l'envie d'aller y planter mes dents. Ce soir là, j'ai prié pour que Katherine vienne me rejoindre. Oui, j'ai osé prier, moi... une créature maléfique !
Ses yeux te remplirent de détresse... Ce souvenir le torturait. Les doigts d'Elena, engourdis à force de serrer les siens, se refermèrent un peu plus.
- Continue...
Il donnait l'impression de se parler tout haut, comme s'il avait oublié sa présence. Sa voix était devenue hésitante.
- Le lendemain, ma faim était intenable, et je ressentais une vive douleur dans les membres, comme si mes veines étaient asséchées. Je savais bien que je ne tiendrais plus très longtemps. Alors, je suis allé jusqu'aux appartements de Katherine dans l'espoir qu'elle m'aiderait. Mais Damon attendait déjà devant sa porte. J'ai tout de suite constaté, à son teint frais et à l'énergie de son pas, qu'il s'était rassasié. Il n'avait pas réussi à voir Katherine pour autant. « Tu peux frapper tant que tu veux, me dit-il, le dragon qui lui sert de dame de compagnie ne te laissera pas entrer. J'ai déjà essayé. Mais peut-être qu'à deux, nous parviendrons à la faire changer d'avis... » Je ne lui ai pas répondu, dégoûté par son air satisfait et fourbe. Alors j'ai frappé à réveiller... j'allais dire « à réveiller les morts ». Mais ce n'est pas si difficile, finalement !
Il s'esclaffa sinistrement. Après un silence, il continua :
- Gudren a fini par ouvrir, me toisant avec impassibilité J'ai demandé si je pouvais voir sa maîtresse, m'attendant à un refus. Gudren m'a observé en silence, avant de jeter un coup d'œil à Damon, derrière moi.
- « Je ne voulais pas le lui dire à lui, lâcha-t-elle enfin. Mais puisque c'est vous qui le demandez... Dame Katherine n'est pas là. Elle est partie tôt ce matin se promener dans les jardins. Elle m'a dit qu'elle avait besoin de réfléchir. » j'étais très étonné.
- « Tôt ce matin ? » ai-je répété.
- « Oui. Ma maîtresse était très malheureuse hier soir, dit-elle d'un ton accusateur. Elle a pleuré toute la nuit. »
- Un sentiment étrange m'a assailli aussitôt. Je n'étais pas seulement malheureux à l'idée que Katherine avait souffert : j'avais terriblement peur, à tel point que j'en ai oublié ma faim, ma faiblesse... et même ma haine envers Damon. Il fallait agir vite : je me suis tourné vers mon frère en lui expliquant que nous devions retrouver Katherine. À ma grande surprise, il a acquiescé. Nous avons fouillé les jardins à sa recherche. Je me souviens très clairement de la scène. Le soleil brillait par-dessus les hauts cyprès et les pins. Damon et moi avons couru entre les arbres, après avoir examiné les moindres recoins, sans cesser de l'appeler.
Stefan frémissait de tout son corps, et sa respiration s'était faite haletante.
- Nous avions fait le tour de presque tous les jardins lorsque je me suis souvenu que Katherine adorait un endroit en particulier, tout près d'un vieux un citronnier. Je m'y suis précipité. Mais en
une terrible prémonition m'a envahi : je ne m'était pas aventurer jusque-là.
- Stefan ! s'écria Elena.
Il lui broyait la main à présent, et des soubresaut secouaient.
- Stefan, s'il te plaît...
Il ne l'entendait pas.
- C'était... comme dans un cauchemar où tout se déroule au ralenti. Une force me poussait à avancer malgré la terreur qui m'avait gagné. Une odeur violente m'assaillit. Celle de la chair brûlée. J'avais beau me dire que je ne voulais rien voir, je continuais à avancer...
Stefan semblait sur le point de suffoquer, et ses yeux étaient écarquillés d'horreur.
- Stefan ! Stefan, tout va bien.., Tout ça, c'est du passé... Je suis là...
- J'ai beau me dire que je ne veux rien voir, je ne peux pas m'empêcher de regarder. J'aperçois quelque chose de blanc sous l'arbre. Nooon ! Pas ça !
- Stefan ! Stefan ! Regarde-moi !
Il restait sourd à ses cris. Le débit de ses paroles était devenu saccadé.
- Je m'approche. Il y a le citronnier, le mur. Et cette chose blanche, juste derrière. Du blanc et du doré. C'est sa robe, la robe blanche de Katherine. Je contourne l'arbre : c'est bien sa robe... mais Katherine n'est nulle part.
Elena fut parcourue d'un frisson glacial. Elle tenta de le réconforter par quelques mots, mais rien ne semblait pouvoir l'arracher à son récit, comme s'il servait de à sa terreur.
- Katherine n'est pas là, je ne vois que sa robe. Pleine de cendres. On dirait un foyer abandonné. Elle dégage une odeur épouvantable. J'en suis malade. A côté d'une des manches, un parchemin. Et sur une pierre une bague sertie d'une petite pierre bleue. Celle de Katherine.
Soudain, il se mit à hurler :
- Katherine, pourquoi est-ce que tu as fait ça ?
La voix brisée, il tomba à genoux, lâchant enfin Elena, et enfouit son visage dans ses mains. De violents sanglots ébranlaient ses épaules.
Elena l'attira contre elle.
- Katherine a ôté sa bague, termina-t-elle dans un murmure, comme pour elle-même. Et elle s'est exposée aux rayons du soleil.
Elle le tint longtemps ainsi, caressant sa nuque tandis qu'il pleurait toutes les larmes de son corps; elle murmurait des paroles apaisantes en essayant de lutter contre son propre sentiment d'horreur. Enfin, se calmant un peu, il leva la tête.
- Le parchemin était adressé à Damon et moi, continua-t-il péniblement. Katherine y avait écrit qu'elle regrettait son égoïsme et ne supportait pas d'être la cause de notre haine. Elle espérait que son départ nous pousserait à la réconciliation.
Elena avait les larmes aux yeux.
- Oh Stefan, c'est si triste..., dit-elle, pleine de compassion. Mais tu ne trouves pas, avec le recul, que Katherine a mal agi ? Elle vous a imposé son choix, sans penser à vous. Aucun de vous deux n'est responsable de sa mort.
Stefan n'était pas encore prêt à accepter une autre version que la sienne.
- Non.... Elle s'est sacrifiée à cause de nous... Nous l'avons tuée....
Il avait l'air d'un petit garçon désemparé. Il continua :
- Damon est arrivé derrière moi, a pris le parchemin et l'a lu. Alors, il est devenu comme fou. Il a aussitôt essayé de m'arracher la bague de Katherine, que j'avais ramassée. Ça m'a mis hors de moi : nous nous sommes battus en nous couvrant d'insultes, et en nous accusant de sa mort. J'étais dans un tel état de fureur que je ne me suis même pas aperçu que nous nous étions approchés de la maison, l'épée à la main. Tout ce que je sais c'est que je voulais en finir avec cet odieux individu en qui je ne pouvais plus voir un frère. Lorsque nous avons entendu mon père crier de la fenêtre, nous nous sommes battus encore plus violemment pour en avoir terminé quand il arriverait. Damon avait toujours eu le dessus sur moi, même si nous étions à peu près de la même force. Ce jour-là, il fut le plus rapide, déjouant ma garde pour me transpercer le cœur d'un seul coup, avec une violence inouïe. La froideur du métal m'a submergé de douleur, et la vie m'a abandonné lentement. Je suis tombé. Voilà comment... je suis mort.
Elena était stupéfaite.
- Damon s'est penché vers moi, continua-t-il. J'entendais les hurlements de mon père et des serviteurs, mais la seule chose que je voyais, c'était le visage de Damon, et ses yeux plus noirs qu'une nuit sans lune : je voulais venger mon trépas et celui de Katherine. Avec ce qu'il me restait d'énergie, j'ai planté mon épée dans la poitrine de mon frère, et je l'ai tué.
L'orage s'était éloigné. Par la fenêtre cassée, Elena entendait maintenant les stridulations des criquets et le vent agiter les feuilles, dans la nuit. Allongé sur son lit, Stefan avait fermé les yeux. Son visage était marqué par la fatigue, mais son expression de terreur avait enfin disparu.
- Ensuite, je ne me souviens plus de rien jusqu'au moment où je me suis réveillé dans ma tombe. Damon et moi avions reçu juste assez de sang de Katherine pour avoir la force d'achever notre transformation, et de ne pas mourir comme de simples mortels. Nous portions nos plus beaux vêtements, allongés côte à côte sur la dalle. Nous étions néanmoins trop faibles pour recommencer à nous battre.
Lorsque je me suis tourné pour demander à Damon ce qu'il comptait faire, il avait déjà disparu dans la nuit. Heureusement, nous avions été enterrés avec les bagues que Katherine nous avait données. Et la sienne se trouvait dans ma poche. Ils avaient dû penser qu'elle m'en avait fait cadeau... Ensuite, j'ai voulu tout bêtement rentrer chez moi. Évidemment, à peine m'ont-ils vu que les serviteurs ont hurlé en courant chercher un prêtre.
Alors, j'ai gagné le seul endroit où j'étais en sécurité : l'ombre. J'y suis toujours resté, jusqu'à maintenant. C'est au monde des ténèbres que j'appartiens, Elena. C'est mon orgueil et ma jalousie qui ont tué Katherine, et c'est ma haine qui a causé la mort de Damon. Mais ce que j'ai infligé à mon frère est bien pire. À cause de moi, il a été banni pour toujours de l'espèce humaine : si je ne l'avais pas tué, le sang de Katherine qui courait dans ses veines aurait fini par perdre de sa force, et il n'aurait pas pu finir sa transformation. Il serait redevenu un être humain. En le tuant, je lui ai ôté sa seule chance de salut, et l'ai contraint à vivre dans la nuit.
Stefan se mit à rire.
- Tu sais ce que veut dire Salvatore, en italien, Elena ? Ça signifie « sauveur ». Et Stefan est un dérivé du prénom Étienne... le premier martyr chrétien. Et c'est moi qui ai condamné mon frère à l'enfer !
- Non..., murmura Elena. Il s'est lui-même damné en te tuant... Est-ce que tu sais ce qu'il est devenu ?
- Il a fait partie d'un bataillon de mercenaires qui mettaient tout à feu et à sang sur leur passage...
Il a arpenté le pays en se battant et en buvant le sang de ses victimes, pendant que moi je mourrais à moitié de faim aux portes de la ville, où je chassais des animaux. Je n'ai plus entendu parler de lui pendant longtemps. Et puis, un jour, j'ai entendu sa voix dans mon esprit. Il avait acquis cette faculté grâce au sang humain qu'il buvait et qui lui donnait une force bien supérieure à la mienne. D'autant plus qu'il ne se contentait pas de cet élixir : à force d'assécher les veines de ses victimes, il leur prenait leur vie, ce qui lui donnait une puissance supplémentaire.
Lorsqu'un homme est mis à mort, son âme se fortifie, dans les derniers moments de terreur et de lutte, donnant à celui qui boit son sang un pouvoir incroyable.
- Quel... pouvoir ? demanda Elena, intriguée.
- Il n ne s'agit pas d'un seul pouvoir, en fait, mais de tout un ensemble de facultés. Un mélange de force et de rapidité, d'abord. Une acuité de tous les sens, aussi, surtout la nuit. Et puis, la possibilité de... sentir les esprits. Nous sommes capables de déceler leur présence, et la nature de leurs pensées. Nous pouvons aussi subjuguer totalement les plus faibles, ou simplement les faire obéir à nos ordres. Et, ce n'est pas tout : si nous buvons suffisamment de sang humain, nous avons la possibilité de changer d'aspect pour prendre celui d'un animal, par exemple. Plus nous tuons, plus notre pouvoir est décuplé.
Dans mon esprit, la voix de Damon était parfaitement distincte. Il me disait qu'il était désormais le chef de son propre bataillon, et qu'il revenait à Florence ; s'il me trouvait encore là lorsqu'il arriverait, il me tuerait. Je savais qu'il tiendrait parole, alors je suis parti. Depuis, je ne l'ai croisé qu'une fois ou deux, et j'ai aussitôt disparu de son chemin : je sentais que sa puissance croissait de jour en jour. Damon a su à merveille s'adapter à son état, et il semble très fier d'appartenir au royaume de l'ombre... Moi aussi, pourtant, que je le veuille ou non, j'en fais partie : je porte la marque des ténèbres. J'ai beau essayer de maîtriser mes instincts, rien n'y fait... J'ai eu tort de penser que je pourrais vivre tranquillement à Fell's Church, loin des vieux souvenirs qui me rappelaient ma véritable nature. Parce que, ce soir, j'ai tué un homme.
- Non ! Stefan ! Ce n'est pas vrai ! Tu n'as rien fait, j'en suis sûre.
L'histoire qu'elle avait entendue l'avait certes épouvantée. Mais elle lui avait également inspiré de la pitié, et le dégoût du début avait totalement disparu. Elle était certaine d'une chose : Stefan n'était pas un assassin.
- Dis-moi ce qui s'est passé ce soir. Est-ce que tu t'es disputé avec Tanner ?
- Je... je ne me souviens plus. J'ai utilisé mon pouvoir pour le persuader de faire ce que tu voulais. Et puis je suis parti. Mais un peu plus tard, j'ai senti ma tête tourner, et mes forces décliner... comme à chaque attaque... La dernière fois que ça m'est arrivé, c'était dans le cimetière, à côté de l'église, le soir où Vickie a été agressée..
- Mais ce n'est pas toi qui as fait ça ! Tu n'aurais jamais fait une chose pareille, hein, Stefan ?
- Je n'en sais rien. Comment expliques-tu, alors, que je me suis trouvé là à chaque crime, si ce n'est pas moi le coupable ? Et puis, j'ai bu le sang de l'homme sous le pont. Et on l'a retrouvé à moitié mort... Et puis, j'étais là aussi quand Vickie et Tanner ont été attaqués...
- Peut-être, mais ce n'est pas toi le meurtrier. La preuve, c'est que tu ne t'en souviens pas, déclara Elena.
La lumière s'était soudain faite dans son esprit, lui donnant l'absolue certitude que Stefan était innocent.
- Ça ne veut rien dire ! objecta-t-il. Qui d'autre à part moi aurait pu faire une chose pareille ?
- Damon.
Ce nom le fit d'abord tressaillir. Puis ses épaules s'affaissèrent.
- J'y ai pensé, moi aussi : je me suis dis que quelqu'un comme mon frère aurait pu commettre ces attaques. Alors, j'ai sondé autour de moi la présence d'autres esprits. Personne ne s'est manifesté. Tu vois, la seule explication possible, c'est que c'est moi le tueur.
- Non, tu n'as pas compris. Je ne pense pas que quelqu'un comme Damon soit l'auteur de ces crimes. Ce que je veux dire, c'est que Damon est ici, à Fell's Church. Je l'ai vu.
Stefan la regarda, incrédule.
- C'est forcément lui, reprit-elle. Je l'ai croisé au moins deux fois, peut-être trois. Stefan, c'est mon tour de te raconter.
Elle lui expliqua alors, de façon la plus succincte possible, ce qui s'était passé dans le gymnase, puis chez Bonnie. Lorsqu'elle lui dit que Damon avait essayé de l'embrasser, Stefan eut du mal à contenir sa colère. Et elle eut honte de lui avouer qu'elle avait failli céder. Elle lui parla ensuite du corbeau, et de tous les événements étranges survenus depuis son retour de France.
- Et je pense même qu'il se trouvait dans le gymnase ce soir, acheva-t-elle. Quelqu'un à la démarche familière m'a frôlée dans l'entrée : il était habillé tout en noir, avec un capuchon sur la tête... comme pour incarner la mort. C'était lui, Stefan, j'en suis presque sûre qu' il est là.
- Mais, alors, comment expliques-tu que l'homme sous le pont ait été retrouvé à moitié mort ?
- Tu as dit toi-même que tu n'as bu qu'un peu de sang ! Peut-être que Damon est venu après ton départ et l'a achevé... Rien n'était plus simple pour lui, surtout s'il t'épiait depuis longtemps, peut-être sous une autre forme...
- Un corbeau, par exemple ?
- Oui. Et pour ce qui est de Vickie, j'ai une petite idée. Voilà, tu m'as dit que tu pouvais subjuguer les esprits plus faibles. Est-ce que Damon n'aurait pas pu faire la même chose avec toi ?
- C'est possible. En me cachant sa présence, il aurait pu contrôler ma volonté.
La voix de Stefan retrouva soudain toute sa vigueur.
- Mais, oui ! s'écria-t-il, c'est sans doute pour cette raison qu'il n'a jamais répondu à mes appels. Il volait...
- Il voulait te faire douter, et c'est exactement ce qui s'est passé ! Il a cherché à te faire croire que c'était toi le tueur. Mais c'est faux, Stefan ! Maintenant, tu le sais, et tu n'as plus à avoir peur !
Elena s'était levée. Elle était folle de joie à la pensée que cette atroce nuit s'était conclue de manière si merveilleuse.
- Alors, c'est pour ça que tu étais si distant avec moi ! reprit-elle en lui tendant les mains. Tu avais peur du mal que tu pouvais me faire. Mai tu n'as plus rien à craindre maintenant !
- T'en es bien sûre ? répondit Stefan, qui fixait avec insistance les paumes tendues d'Elena. Tu penses que tu n'as plus aucune raison de me craindre ! Peut-que que Damon a effectivement attaqué ces gens. Mais ça ne rend rien au fait que je peux être dangereux, et que j'ai tenté par de terribles pulsions. Même envers toi.,.
- Je suis sûre que tu n'as jamais voulu me faite de mal.
- Tu crois ça ! Mais tu ignores qu'à la seule vue de ta gorge, j'ai eu envie plus d'une fois de me jeter sur toi devant tout le monde...
La façon dont il regardait son cou lui faisait tant penser à Damon qu'elle sentit les battements de son cœur s'accélérer.
- Tu sais, Stefan, tu n'as pas besoin de m'y forcer...j'ai bien réfléchi, et, en fin de compte, c'est ce que je veux.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles..., dit-il d'un air bouleversé.
- Je crois que si... Tu m'as expliqué ce que tu as ressenti quand Katherine a bu ton sang. Je veux que tu fasses la même chose avec moi. Je ne te demande pas de me changer, tu sais... Je sais à quel point tu aimais Katherine. Mais elle n'est plus là. Moi, si. Et je t'aime Stefan. Je veux tout partager avec toi.
- Il n'en est pas question !
Il s'était levé, furieux qu'elle veuille courir le risque.
- Personne ne sait de quoi je suis capable, quand ma passion se déchaîne...
Peut-être que j'en arriverai à te transformer ! Ou même, à te tuer ! Tu n'as pas encore compris qui j'étais et jusqu'où je pouvais aller ?
Le visage d'Elena était resté impassible, ce qui fit de nouveau enrager Stefan.
- Tu n'en as pas vu assez, c'est ça ? reprit-il. Est-ce qu'il faut que je te montre d'autres horreurs pour que tu comprennes enfin ce qui t'attend ?
Il alla jusqu'à la cheminée et ramassa une bûche dans l'âtre éteint D'un seul geste, il le brisa comme une allumette.
- Voilà ce que je pourrais faire de tes os si fragiles...
Il ramassa ensuite un coussin, et d'un seul coup d'ongle, en lacéra la housse de soie.
- De ta peau si douce... Puis il s'élança vers Elena en un éclair, la prit par les épaules, planta son regard dans le sien et, avec un sifflement sauvage, retroussa ses lèvres dans un rictus horrible, qui lui rappela en tous points la scène du belvédère. Elle avait sous les yeux les mêmes canines démesurées, celles d'un prédateur.
- Et de ton cou si blanc. Elena, pétrifiée par le visage terrifiant de Stefan, fut d'abord incapable du moindre mouvement, puis elle sembla revenir à elle. Elle glissa ses bras entre ceux de Stefan, qui s'agrippait toujours à ses épaules, et les fit remonter jusqu'à son visage, les prenant entre ses mains.
Elle resta longtemps ainsi sans bouger, les joues fraîches du jeune homme, en mettant dans son geste toute la tendresse et la douceur dont elle était capable : c'était comme une réponse à la dureté de des mains de Stefan sur ses épaules nues. Les yeux de celui-ci prirent une expression de stupeur quand il comprit – Elle n'avait pas l'intention de le repousser Elle espéra le sentir enfin vibrer de désir, jusqu'à ce que ses yeux le supplie de l'embrasser. Elle entendit sa respiration s'accélérer ; il frissonnait, comme lorsqu'il avait évoqué le souvenir de Katherine. Alors, tout doucement, elle attira à elle son visage, où une grimace bestiale flottait encore.
La nuque tendue de Stefan lui fît comprendre qu'elle n'avait pas fini de lutter. Pourtant, elle savait qu'il céderait, car sa douceur était une arme plus puissante que sa force à lui, toute surnaturelle qu'elle était Elle ferma les yeux et chercha à évacuer de son esprit les terribles révélations de Stefan, en se rappelant la tendresse de ses caresses. Ses lèvres allèrent rejoindre celles du prédateur qui l'avait menacée quelques instants plus tôt...
Il céda enfin à la douceur de son baiser : sur tes épaules d'Elena, ses doigts lâchèrent prise, et il l'enlaça tendrement.
- Tu n'es pas capable de me faire du mal, murmura- t-elle.
Leur étreinte effaça, dans un élan passionné, toutes leurs peurs et les moments de désespoir qu'ils avaient traversés. Elena s'abandonna entièrement à la volupté ! l'instant. Essoufflée et le cœur battant, elle comprit que le moment était venu.
Tout doucement, elle guida la bouche de Stefan vers sa gorge. Ses lèvres effleurèrent sa peau dans un souffle tiède. Puis ses dents aiguisées trouèrent sa chair. Mais la douleur disparut presque aussitôt, remplacée par un plaisir enivrant qui les submergea tous les deux.
Lorsqu'elle ouvrit les yeux, ce fut pour contempler un visage où tout obstacle avait disparu. Elle se sentit faible, soudain.
- Est-ce que tu me fais entièrement confiance? murmura-t-il.
Elle hocha la tête. Il tendit la main vers quelque chose, près du lit. C'était la dague. Il la tira de son fourreau et se pratiqua une petite entaille à la base du cou. Le sang apparut, aussi rouge que les fruits du houx. Elle le regarda couler sans détourner le regard, et lorsqu'il l'attira contre sa plaie, elle n'eut aucune résistance.
Il la tint un long moment dans ses bras tandis que, dehors, les criquets poursuivaient leur sérénade. Enfin, il fit un mouvement pour se redresser.
- J'aimerais que tu restes toujours ici, et que nous ne soyons jamais séparés, chuchota-t-il. Mais c'est impossible.
- Je sais.
Ils avaient tellement de choses à se dire à présent, et tant de raisons de ne plus se quitter.
- On se reverra demain, reprit-elle en se serrant contre lui. Quoiqu'il arrive, Stefan, je ne t'abandonnerai pas, je te le jure...
- Oh, Elena, je te crois, murmura-t-il dans ses cheveux. Rien ne nous séparera.



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